J’ai récemment discuté avec une connaissance danoise du sort réservé aux Syriens venus demander l’asile dans son pays. Si vous ne le saviez pas, des centaines de migrants ayant pu obtenir un permis de séjour temporaire au Danemark courent le risque d’être renvoyés en Syrie, le gouvernement danois jugeant Damas comme un lieu sûr désormais. Je ne vais pas cracher ici toute mon indignation et la colère que je ressens vis-à-vis de cette décision, mais j’avais envie de partager une lecture autour de l’immigration qui m’avait particulièrement marquée il y a quelques mois. Peut-être en avez-vous déjà entendu parler, ce roman ayant trôné sur les étals des librairies dès sa sortie en 2019, mais je voulais en faire un billet Croque-livre car c’est un livre qui devrait être lu par tous ceux qui manquent d’humanité et d’empathie envers ces migrants ayant traversé des épreuves indescriptibles.
The Beekeeper of Aleppo raconte le dangereux périple entrepris par Nuri, l’apiculteur du titre, et son épouse Afra, artiste peintre, pour rejoindre le Royaume-Uni et y demander asile. On découvre leur ancienne vie sur leur terre natale, leurs deuils et pertes, la cupidité des passeurs, l’angoisse de la traversée en mer, la misère des camps et toutes les autres horreurs que ce couple a dû surmonter avant de se retrouver enfin en sécurité.
Ce que j’ai bien aimé avec ce roman, c’est que l’histoire n’est pas contée de manière chronologique, mais à l’aide de flashbacks. Chaque chapitre est constitué de deux récits, l’un racontant le présent à Londres, l’autre le passé en Syrie, qui se relient à chaque fois par un mot unique. On a ainsi une phrase inachevée dont le dernier mot est le premier du récit suivant. Une belle façon de plonger dans les pensées de Nuri, pour qui un son, une odeur, une lumière particulière évoque un souvenir de son pays.
Comme une abeille butinant de fleurs en fleurs, on passe donc des moments plus heureux dans la Syrie d’avant-guerre aux heures les plus sombres. Une manière de rappeler que ces gens venus d’ailleurs pour se réfugier dans nos contrées avaient une vie aussi normale que la nôtre avant que les obus et les mitraillettes ne les privent de tout.
The Beekeeper of Aleppo est le deuxième roman de Christy Lefteri, fille de réfugiés chypriotes venus s’installer à Londres. L’idée d’écrire cette histoire lui est venue après avoir travaillé comme bénévole dans un camp de migrants à Athènes en 2016 et 2017. Si le récit de Nuri et d’Afra est inventé, il est inspiré de tous les témoignages que la romancière a pu entendre des réfugiés syriens qu’elle a rencontrés. Il aurait donc très bien pu être réel. Le livre aborde bien évidemment des thèmes très durs, démontrant le pire de l’humanité, mais est aussi rempli d’espoir, de résilience et d’amour. Je l’ai lu dans sa version originale, mais le roman existe dans la traduction française de Karine Laléchère sous le titre L’Apiculteur d’Alep. Inutile de dire que je vous le recommande, ne serait-ce que pour ouvrir un peu plus les yeux sur la situation des migrants qu’on a un peu trop oubliés durant cette fichue pandémie…
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