Aujourd’hui, je continue ma série de Portraits de traducteurs avec une dame dont beaucoup d’entre vous ont déjà lu la plume au moins une fois dans leur vie (du moins si vous aimez les polars).
Plutôt discrète, Anne Damour n’est pas une traductrice « star » comme André Markowicz ou Jean-François Ménard (c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas pu trouvé de photo, mais imaginez-vous une petite dame aux cheveux blancs) et pourtant, c’est elle qui a fait connaître au lectorat francophone l’une des plus grandes auteurs de polars de notre époque.
J’ai eu l’occasion de rencontrer cette traductrice lors d’un cours au Centre Européen de Traduction Littéraire il y a quelques années. Durant la pause, elle nous avait raconté comment elle en était arrivée là : un véritable coup de chance ! Après des études de lettres classiques, Anne Damour travaille dans l’édition et a l’occasion de traduire quelques bouquins qui n’ont au départ aucun rapport avec le polar. Puis un jour, l’éditeur l’appelle dans son bureau et lui propose deux titres, dont Where are the children? (traduit en français par La Maison du Guet) d’une certaine Mary Higgins Clark, une écrivaine américaine encore absolument méconnue en France. C’est donc par pur hasard qu’Anne Damour traduit le premier roman d’une série de polars à succès.
J’avoue que je n’ai jamais vraiment lu Mary Higgins Clark et que la première fois que j’ai lu l’un de ses romans traduits en français, j’ai tout de suite ressenti la traduction… Mais quand j’ai appris les conditions dans lesquelles Anne Damour devait traduire les romans de cette grande romancière américaine, je comprends mieux. Les polars de Mary Higgins Clark ont tellement de succès que la version française doit sortir à peu près en même temps que la version anglaise, ce qui ne laisse que quelques mois à peine pour réaliser la traduction. Mary Higgins Clark étant une auteur très prolifique, avec à peu près un livre chaque année, Anne Damour a fini par s’habituer à son style et nous a avoué parfois connaître d’avance la fin de l’histoire sans avoir besoin de la lire. Elle nous a également révélé qu’elle avait déjà contacté l’auteur pour l’informer de quelques erreurs dans le texte original (le nom d’un lieu incorrect, par exemple).
Si Mary Higgins Clark lui donne chaque année son lot de travail, Anne Damour ne se limite pas qu’aux polars. Elle traduit également régulièrement pour Beryl Bainbridge, Jennifer Johnston, Annie Proulx, Edward St Aubin, Paul Theroux et Barry Unsworth. Son travail lui a valu à deux reprises une récompense : le prix Baudelaire pour Le Metteur en scène de Thomas Keneally et le prix Maurice E. Coindreau pour Les Heures de Michael Cunningham.
À la semaine prochaine pour un autre billet !