Bonjour à tous !
Suite à mon article de la semaine dernière sur le surtitrage, j’avais envie de poursuivre dans le domaine des arts de la scène en vous présentant un grand spécialiste de la traduction théâtrale* : Jean-Michel Déprats.
J’ai eu l’occasion d’avoir cours à deux reprises avec ce grand traducteur à l’époque (pas si lointaine ^^) où j’étais inscrite au Centre Européen de Traduction Littéraire à Bruxelles. Cet universitaire français nous avait alors fait travailler sur The Importance of Being Earnest, une pièce d’Oscar Wilde dont la traduction lui a fait remporter le Molière du meilleur adaptateur d’une pièce étrangère en 1996. Mais si Jean-Michel Déprats est surtout connu, c’est pour la traduction des œuvres complètes de Shakespeare publiées à la Bibliothèque de la Pléiade.
Un passionné de théâtre
Né en 1949 à Albi, Jean-Michel Déprats a suivi des études d’anglais non seulement en France mais aussi aux États-Unis. En parallèle à sa carrière dans l’enseignement supérieur (il est chargé de cours d’anglais à l’Université Paris 3 et à l’ENS, ainsi que maître de conférences en littérature anglaise et études théâtrales à l’Université Paris X – Nanterre), il fonde la troupe du Théâtre de la Colline et met en scène des œuvres d’auteurs contemporains. Il faut attendre 1980 pour qu’il se consacre aux auteurs du théâtre élisabéthain, et plus particulièrement à Shakespeare. Il s’attaque également à des auteurs britanniques et américains contemporains, dont Howard Barker et Tennessee Williams. Il se charge aussi du doublage de certaines pièces destinées au cinéma, dont Hamlet du réalisateur Franco Zeffirelli. En plus de son travail de professeur et de traducteur, il crée avec plusieurs auteurs de théâtre le Centre international de la traduction théâtrale dont le but est de réunir traducteurs et dramaturges afin de promouvoir ce genre de traduction et de publier des œuvres encore méconnues du public. En 2002, il est récompensé pour l’ensemble de son œuvre en recevant le Prix Osiris et le Prix Halpérine-Kaminsky.
Sa méthode de traduction
Étant metteur en scène lui-même, Jean-Michel Déprats a toujours revendiqué que ses traductions ne sont pas destinées à la lecture mais sont écrites « pour la voix et pour le corps des acteurs ». Il explique dans cette interview qu’il traduit « comme [il] aimerait jouer », tout comme Shakespeare, qui était aussi comédien, avait probablement écrit ses pièces. Selon Déprats, les mots du grand dramaturge anglais n’ont pas été choisis par hasard car ils donnent tous des indications de jeu. Il ajoute que le vers shakespearien est « une véritable partition gestuelle, une manière de guider la voix et le corps de l’acteur à travers les figures de style ». Pour conserver la théâtralité de l’auteur, Jean-Michel Déprats fait en sorte que ses traductions soient concises et directes, ce qui est très difficile à partir d’un texte anglais, langue beaucoup plus économique que le français. Il a donc choisi délibérément de ne pas traduire Shakespeare en vers mais de mélanger la prose à des passages rimés et des vers blancs car, selon lui, « quand on traduit [Shakespeare] en alexandrins, cela sonne un peu comme du Corneille de mirliton… ».
Si traduire Shakespeare est complexe en raison du vocabulaire très riche qu’il emploie dans ses pièces, c’est aussi un réel plaisir pour ce traducteur passionné qui jongle habilement avec les mots.
Pour ceux qui voudraient entendre Jean-Michel Déprats parler de son travail, voici une interview de 1985 à propos de sa traduction du Marchand de Venise de Shakespeare et une autre vidéo où il parle des difficultés de la traduction de Macbeth et plus précisément de la scène du chaudron.
* Attention qu’ici, traduction théâtrale n’a rien à voir avec le surtitrage : Jean-Michel Déprats traduit le texte écrit, y compris les didascalies, et non ce qui se dit sur scène.