J’ai reçu pas mal de livres à Noël et, après avoir achevé le passionnant Unwell Women, je me suis enfin attaquée à ma petite pile de cadeaux littéraires. Tenir sa langue, de Polina Panassenko, m’a été offert par ma maman, qui n’aurait pas pu mieux choisir. Écrit par une traductrice franco-russe, traitant de l’apprentissage d’une langue, ce roman m’a directement séduite. Je ne suis d’ailleurs pas la seule à l’avoir apprécié puisque l’ouvrage a obtenu le prix Femina des Lycéens 2022. Il méritait donc un petit billet Croque-Livre.


Le premier chapitre m’a directement mis l’eau à la bouche, les allusions à la langue, autant l’organe que le système de communication, étant très présentes. La narratrice, qui parle à la première personne, nous embarque dans une quête juridique : obtenir le droit de récupérer son prénom russe, Polina, et délaisser son prénom francisé, Pauline.
« Ce que je veux moi, c’est porter le prénom que j’ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. […] Je veux croire qu’en France je suis libre de porter mon prénom de naissance. Je veux prendre ce risque-là. Je m’appelle Polina. »
On remonte ensuite le temps, la narratrice partageant ses souvenirs d’enfance, lorsqu’elle vivait en Union soviétique avec ses parents et grands-parents dans le même appartement. Vient ensuite la chute de l’URSS, le départ en France et l’apprentissage du français à la materneltchik. On suit alors les flux de pensées d’une jeune enfant russe qui débarque dans un monde où il n’y a plus de mots, mais « que des sons ». On redécouvre ainsi la France à travers les yeux et la langue de cette enfant étrangère. On a également un bon aperçu de la vie en Russie, la famille repartant chaque année au pays pour rendre visite aux grands-parents.
J’ai adoré ce livre non seulement car il traite du langage, mais aussi parce que je l’ai savouré par moment comme une madeleine de Proust. L’autrice a pratiquement le même âge que moi. Plusieurs anecdotes de son enfance en France m’ont évoqué de nombreux souvenirs, tels que le « bonnet-écharpe-deux-en-un-violet-bordé-de-fourrure » (qui coiffait la tête de quasiment toutes les filles l'hiver dans la cour de récré de ma petite école), les pubs qui passaient à la télé (l'autrice explique que le côté répétitif des publicités l'a bien aidée à apprendre le français) et les dessins animés. Je mets le passage qui m’a donné le sourire, les personnes nées à la fin des années 1980 et au début des années 1990 comprendront directement de quoi il s’agit (pensées pour ma sœur et mes cousines qui auront certainement la musique du générique dudit dessin animé en tête 😁) :
« Installée sur le lino du salon, je regarde une histoire d’animaux qui ont sans cesse des problèmes. Ils veulent à tout prix traverser une autoroute. On ne sait pas pourquoi. C’est leur but ultime dans la vie. Une musique épique accompagne leurs vaines tentatives. ».
L’écriture de Polina Panassenko est fluide, naturelle, vivante. Les passages sur son enfance et les moments vécus avec ses grands-parents sont racontés avec tendresse et douceur. J’ai adoré suivre son flux de pensées et sa manière de traduire les réalités françaises par ses réalités de russophone. Le roman étant plutôt court (j'aurais d'ailleurs aimé qu'il se poursuive encore), je ne vais pas en dire plus, je préfère laisser parler l’autrice.
Tenir sa langue de Polina Panassenko a été mon premier coup de cœur littéraire de cette année. Je ne peux donc que vous recommander ce premier roman de cette traductrice, surtout si vous aimez le russe, les langues et les mots.