Cela fait des années que mon blog de traductrice existe, mais je n’ai pas encore consacré un seul de mes articles au logiciel qui me soutient dans mes projets. J’ai mentionné son nom plusieurs fois, mais je ne vous l’ai jamais vraiment présenté comme il se doit. Je tenais donc à vous parler uniquement aujourd’hui de celui qui m’accompagne durant mes nuits blanches et me donne parfois des sueurs froides : Trados.
Trados, kesako ?
Trados, ou SDL Trados Studio de son nom complet, est un logiciel de TAO, comprenez « traduction assistée par ordinateur ». Son objectif principal est d’aider le traducteur ou la traductrice à progresser dans ses projets à l’aide de mémoires. Concrètement, le logiciel permet aux traducteurs de créer une base de données qui reprend ses traductions de segments de texte. Ainsi, lorsque l’on traduit pour un même client qui utilise une terminologie bien à lui et dont les textes sont similaires, il est possible de retrouver la manière dont on a traduit certains passages dans des projets antérieurs. Cela permet de garder une cohérence entre les textes tout en faisant gagner un temps précieux au traducteur (qui ne doit plus creuser dans sa mémoire humaine, mais qui peut compter sur la machine).
Ça date de quand ?
La toute première version de Trados s’appelait Translators Workbench. Elle date de la fin des années 1980 (comme votre traductrice dévouée) et a été conçue par une société allemande aux balbutiements des mémoires de traduction. La boîte et ses différents logiciels ont été rachetés en 2005 par la société britannique SDL pour devenir l’outil de TAO le plus utilisé par les traducteurs indépendants et les agences de traduction. Il existe d’autres logiciels de traduction assistée par ordinateur sur le marché (j'avais d'ailleurs commencé avec le logiciel de traduction gratuit OmegaT), mais Trados reste en tête, ce qui fait qu’il est pratiquement impossible de travailler pour une agence de traduction si l’on ne dispose pas du logiciel (du moins, c'est mon avis).
Ça se présente comment ?
Comme une image vaut mieux que mille mots, voici un peu à quoi Trados ressemble.
Ceci est la page depuis laquelle je peux accéder à mes différents projets en cours. On peut avoir un aperçu des statistiques de chaque projet, reprenant le nombre de mots nouveaux à traduire (en orange), le nombre de mots déjà traduits (en bleu) et le nombre de mots en « brouillon » (en gris), c’est-à-dire les mots qui ont déjà été traduits en premier jet, mais dont la traduction n’a pas encore été confirmée.
On passe ensuite à l’éditeur, soit mon plan de travail. On a d’un côté le texte source à traduire et de l’autre le texte cible. Je peux donc avoir en permanence les 2 textes en vis-à-vis. Chaque texte est divisé en segments (ou phrases), qui sont numérotés, ce qui permet d’y revenir plus facilement (ce qui est pratique pour les très longs projets). Sur la capture d’écran ci-dessus, on voit que le premier segment a été validé et que le deuxième segment est au stade de brouillon (symbolisé par un crayon sans V). L’intérêt principal de Trados se trouve toutefois dans le bandeau supérieur, et plus particulièrement l’onglet « Recherche contextuelle » (entouré en jaune).
Par exemple, si je ne me souviens de la manière dont j’ai traduit « success » (j'aurais pu choisir un exemple plus compliqué, mais restons dans la simplicité 😅), je peux taper le mot en question dans la fenêtre de recherche contextuelle et je vais retomber sur les segments de mes anciens projets dans lesquels ce mot a été traduit. Parfois, le logiciel me propose aussi directement la traduction d’un terme qui revient fréquemment dans mes projets, comme c’est le cas ci-dessous :
Comme j’ai traduit de nombreuses fois « La Traviata » dans mes précédents projets pour ce client, Trados me suggère automatiquement la traduction et il me suffit de taper sur « Enter » pour l’ajouter à mon segment. Cela peut également fonctionner avec des bouts de phrase plus longs, comme « Cette saison, l’Opéra national de Vienne produit …. », bout de phrase qui revient très fréquemment dans mes projets pour ce client-là.
Alors ici, on parle de projets pour lesquels j’ai créé moi-même la mémoire au fil du temps. Quand je travaille avec une agence de traduction, notamment pour les projets de la Commission européenne, je reçois toujours un « package » Studio qui comprend une mémoire beaucoup plus conséquente, enrichies avec les années à chaque nouveau projet. Comme il est primordial de respecter la terminologie dans ce genre de projets, cette fonctionnalité de recherche et de correspondance de segments est extrêmement précieuse. Et cela fait gagner un temps considérable, du moins quand Trados veut bien coopérer…
Mon expérience avec Trados
Si à mes débuts, j’étais réticente à utiliser Trados, je me suis vite rendu compte qu’il était impossible de travailler pour les agences de traduction sans ce logiciel. J’ai donc investi dans cet outil de TAO et je dois dire qu’aujourd’hui, j’aurais du mal à m’en passer. Je gagne énormément de temps, que ce soit pour la traduction à proprement dite ou pour la mise en page. Il existe en effet un système de balises qui permet de copier les italiques, passages écrits en couleurs et changements de police directement dans le fichier que l’on appelle avec affection sdlxliff, balises qui vont par magie reproduire la mise en page du fichier Word source sur le fichier Word cible lors de la finalisation du fichier, c’est-à-dire au moment de l’exportation du fichier sdlxliff vers le fichier Word (ou Excel, mais c'est une autre histoire).
Cela dit, il arrive par moment que Trados soit capricieux, et il faut que cela arrive toujours lorsqu’on approche du moment fatidique de l’envoi du projet… J’ai déjà eu des plantages extrêmement énervants et des crises de panique durant lesquels Trados m’a lâchement lâchée… Un petit conseil donc aux jeunes Padawans qui commenceraient à dompter la bête : enregistrez votre progression à tout moment !
Malgré ces petits tracas, que connaît d’ailleurs n’importe quel logiciel informatique, Trados reste un outil essentiel pour les traducteurs. Il constitue cependant une dépense financière importante pour le traducteur. Il faut savoir en effet que le logiciel tourne quand même autour de 1000€. Sachez néanmoins que les agences peuvent parfois faire bénéficier leurs traducteurs de ristournes intéressantes (j'avais eu 50% pour ma part) et que SDL Trados Studio propose toujours 30 jours d’essai gratuit. Il y a ensuite les mises à niveau qui se rajoutent (autour de 250€ environ), mais vous n’êtes pas obligé de les acheter chaque année (je travaille encore avec la version de 2017, même si je songe à passer à celle de 2022).
Ainsi se termine ce portrait incomplet de cet autre compagnon de travail avec lequel je passe mes journées (et occasionnellement mes nuits). Il comporte bien d’autres fonctionnalités, mais il existe plein de tutoriels à ce propos et cela n’intéresserait que les personnes du métier. Les non-initiés auront toutefois désormais une petite idée de ce dont je veux parler lorsque Trados fait une apparition dans mes billets.