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Traduire pour la Commission européenne

J’ai manqué mon rendez-vous habituel ce vendredi car j’étais en train de terminer un gros projet pour la Commission européenne. Je me suis donc dit que, pour me rattraper, j’allais vous écrire un petit billet sur les particularités de la traduction pour cette grande institution.

Photo de Marco sur Pexels.com

Avant toute chose, je précise que je ne traduis pas directement pour la Commission européenne, mais pour une agence de traduction qui a obtenu plusieurs contrats avec les institutions de l’UE. S’il est tout à fait possible de travailler pour la Commission sans passer par un intermédiaire, je ne me sens pas encore vraiment prête à me lancer (ce fameux syndrome de l'imposteur...). Travailler sur les projets de la Commission par le biais d’une agence permet en outre de se faire la main tout en ayant un filet de sécurité (étant donné que mon travail est pour l'instant toujours passé en revue par un réviseur ou une réviseuse). C’est particulièrement intéressant pour ce genre de projets, car on ne traduit pas pour les institutions européennes, comme on traduit pour un client lambda. Il faut d’ailleurs savoir que chaque texte traduit est systématiquement examiné par la Direction générale de la Traduction et que vous recevez donc un rapport d’évaluation après chaque projet vous indiquant votre note (et celle-ci doit rester au-dessus des 70 % si vous voulez continuer à recevoir des projets). Autant dire que la pression est bien là quand vous effectuez votre toute première traduction pour la Commission (et ce qui m'a valu plusieurs nuits blanches pour mes premiers projets tellement j'étais stressée...).

L’une des premières particularités des textes de la Commission, c’est leur grande diversité. On peut traduire aussi bien des règlements que des documents de vulgarisation destinés au public, en passant par des textes internes confidentiels. Les sujets abordés sont extrêmement variés, allant de la pêche aux transports, en passant par la santé, l’environnement, le commerce ou les finances. Il suffit de voir le nombre de directions générales que compte la Commission pour se rendre compte de la multitude de thématiques sur lesquelles travaille l’institution.

Une autre caractéristique de ces textes est qu’ils font très souvent l’objet de modifications. Ainsi, il m’est déjà arrivé plusieurs fois de devoir arrêter de travailler sur un texte car une nouvelle version venait d’être rédigée. La direction générale à l’origine du texte prévient cependant toujours lorsque ce dernier est susceptible d’être modifié. Quand l’agence me propose un projet, je sais donc automatiquement qu’il est possible que je reçoive une nouvelle version du texte d’ici X semaines. Il faut pouvoir s’adapter et rester flexible en conséquence.

En ce qui concerne le travail de traduction en lui-même, il se rapproche plus de la recherche terminologique que de la traduction pure. Les textes des règlements se reposent toujours sur des versions antérieures et utilisent une terminologie bien précise qu’il est indispensable de respecter. Les projets de la Commission comprennent également de nombreuses citations provenant d’autres textes juridiques ou administratifs, de conventions internationales ou de documents gouvernementaux. Une bonne partie du travail consiste ainsi à rechercher toutes ces références, à justifier sa traduction par des sources (je dois d'ailleurs toujours accompagner ma traduction de divers commentaires pour indiquer les passages repris d'autres textes) et à veiller à la cohérence des textes en faisant particulièrement attention à la terminologie. Le traducteur ou la traductrice peut heureusement s’aider de nombreuses sources de référence et d’outils pour exécuter ce travail de recherche. J’utilise principalement Eur-Lex, qui est le portail rassemblant tous les textes publiés au Journal officiel de l’Union européenne dans les 24 langues officielles de l’UE, ainsi que le formulaire de recherche du site Curia, qui reprend toute la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. J’emploie en outre le site Iate, qui est la base de données terminologiques de l’UE, et l’incontournable Guide anglais-français de la traduction de René Meertens, qui est une véritable mine d’or pour les traducteurs travaillant pour les institutions.

Pour ce qui est de la qualité linguistique des textes à traduire, il faut dire qu’elle peut fortement varier. L’anglais parlé dans les institutions européennes n’est pas spécialement le bon anglais britannique que l’on a appris à l’école. Certains textes sont ainsi écrits en anglais par des personnes qui ne sont pas des anglophones natifs. Il m’est donc déjà arrivé d’avoir des documents moins bien rédigés que d’autres.

Une dernière chose à savoir si vous souhaitez traduire pour la Commission ou l’une ou l’autre des institutions européennes est qu’il existe un code de rédaction interinstitutionnel à respecter. Il faut en effet savoir que les institutions n’appliquent pas forcément les mêmes règles typographiques que celles de l’Imprimerie nationale (autre bible qui m'a accompagnée durant mes études de traduction et que je consulte toujours en cas de doute). Par exemple, les textes des institutions européennes ne mettent jamais d’espace insécable avant les deux-points ou le point guillemet. L’emploi des majuscules est également différent. Ainsi, il faut écrire « ministère des affaires étrangères » plutôt que « ministère des Affaires étrangères », ce qui est normalement la règle en français. Si le texte de mon billet de blog avait été soumis à la DG Traduction, on m’aurait aussi retiré des points pour l’ajout d’espaces insécables après et avant les guillemets et pour l’utilisation de l’apostrophe droite plutôt que courbe soit « ´ » plutôt que « ‘ » (c'est l'une des consignes pour lesquelles j'ai eu une remarque à ma toute première traduction). Bref, ce sont des petits détails, mais il faut bien faire attention à les respecter.

Vous l’aurez compris, traduire pour la Commission ne laisse pas beaucoup de place à l’imagination. Cela demande une grande méticulosité dans ses recherches et une bonne concentration pour repérer la moindre coquille ou erreur typographique. Néanmoins, cela reste un travail passionnant car, comme expliqué en début d’article, les sujets abordés sont extrêmement variés. Sur ce, je vous laisse, j’ai une traduction à relire 😉

À propos de Elise Lignian

Traductrice de l'anglais, du russe et de l'espagnol vers le français, je travaille en tant qu'indépendante. Rédaction, correction, révision de traduction et traduction sont les services que j'offre à mes clients. Pour plus d'informations à mon sujet, consultez dès maintenant mon site http://translovart.com.

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  1. Pingback: Le guide anglais-français de la traduction de René Meertens, la bible des traducteurs | Translovart

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